Jules Besnainou, Cleantech Group
Lors du Cleantech Forum 2016, nous avons eu le plaisir d’approcher Jules Besnainou, un des directeurs du Cleantech Group, l’organisateur de l’événement. Il a accepté de répondre à nos questions, et voilà le résultat !
Bonjour Jules Besnainou. Pouvez-vous vous présenter et nous présenter le Cleantech Group ? Quel est son rôle dans l’industrie des cleantechs ?
Le Cleantech Group est l’entreprise à l’origine du terme « cleantech », et le réseau de référence pour tous les acteurs du secteur. Basés à San Francisco et Londres, notre mission est de guider investisseurs et grands groupes dans leur recherche des start-ups les plus innovantes dans des domaines tels que l’énergie, l’agriculture, les transports et les matériaux.
Nous catalysons les rencontres entre innovateurs et investisseurs par nos évènements et notre plateforme en ligne, i3Connect.com. Celle-ci offre aussi une veille internationale sur tous les deals cleantech, ainsi qu’une base de données de plus de 24,000 start-ups dans le monde.
Je suis un des directeurs du Cleantech Group, notamment en charge du développement d’i3. J’ai rejoint le bureau californien de l’entreprise il y a quatre ans, avant de m’installer à Londres.
Pouvez-vous élaborer sur cette plateforme i3 Connect ? Quand a-t-elle été créée ? Quel était le projet au départ ?
Nous recensons les activités de financement, d’acquisition et de partenariats depuis une dizaine d’années. Cependant, i3 tel que nous le connaissons est né il y a cinq ans.
D’abord positionné comme une base de données et un système de veille, c’est maintenant un véritable réseau en ligne, l’extension de nos forums, qui permet aux start-ups de construire leur profil et de contacter des investisseurs et grands groupes, gratuitement. Ces derniers payent une souscription annuelle pour accéder à cet écosystème.
Le Cleantech Forum 2016 tenait ses portes à Lyon au début du mois d’Avril. Pouvez-vous nous faire un bilan de l’événement ?
La version européenne du Cleantech Forum réunit plusieurs centaines des plus grands entrepreneurs, investisseurs et grands groupes du secteur. Nous changeons de ville chaque année, et après les succès de Stockholm en 2014 et de Florence en 2015, les attentes pour Lyon étaient élevées.
Attentes plus que satisfaites, tant en termes de contenu que de participants. Nous avons entendu pitcher près de 50 entrepreneurs de haut-vol (tels que Foobot, Calyxia, BulldozAIR, SmartBin ou BreezoMeter). Nous avons aussi abordé des sujets de pointe, tels que l’émergence du blockchain dans les marches énergétiques, ou l’impact futur de l’arrivée de la 5G sur l’IoT.
Comme d’habitude, une place importante a été faite au networking, avec des résultats très positifs. Lyon est une capitale européenne de l’innovation, avec des start-ups prometteuses dans la chimie, l’industrie et les transports. La proactivité de la ville pour attirer ces start-ups et les aider dans leur développement fait pour beaucoup dans le succès de l’écosystème.
Les cleantechs ont le vent en poupe et on en entend de plus en plus parler dans les médias, notamment grâce à l’IoT. Pensez-vous qu’il s’agisse d’une tendance faite pour durer ?
Je pense qu’en plus de durer, cette tendance va s’intensifier. Nous sommes très loin des cleantech du début des années 2000, surtout basées sur l’innovation dans le solaire et la mobilité électrique.
Ce que nous observons aujourd’hui, ce sont des entrepreneurs talentueux et expérimentés qui profitent de la popularisation de l’IoT, des big data, des drones et autres technologies pour s’attaquer des marchés massifs tels que la distribution d’électricité, le recyclage, l’agriculture et les transports.
Les utilisateurs se tournent de plus en plus vers ces innovations, non par conscience écologique, mais parce qu’on leur offre de meilleures solutions, modernes et digitales, et souvent plus économiques que le statu quo.
Où en serons-nous dans dix ans ?
C’est une question qui revient sans cesse au Cleantech Group, tant pour nous que pour nos clients. Sans aller trop loin dans l’exercice de divination, quelques éléments de réponse:
Tout d’abord, je crois que les dix prochaines années vont voir une accélération sensible du déploiement des technologies existantes, tant dans le solaire que dans l’éolien, la mobilité électrique et l’efficacité énergétique.
Les prix de production du photovoltaïque continuent de baisser, le financement des installations est de plus en plus abondant, et la transition de plus en plus évidente, tant pour les particuliers que pour les grands producteurs.
Ensuite, on attend plus de changement chez les grands producteurs d’énergie (électrique comme fossile). A l’instar d’E.ON il y a deux ans, de plus en plus de fournisseurs d’électricité et de gaz vont se recentrer sur les renouvelables.
Enfin, comme l’IoT et les big data ont révolutionné les cleantechs dans les 5 dernières années, d’autres technologies de pointe telles que le blockchain, l’édition génétique (CRISPR-Cas9), la 5G ou encore l’intelligence artificielle vont permettre aux entrepreneurs d’innover dans des domaines comme l’energy access, l’agriculture ou encore les véhicules autonomes.
Sans parler des voitures volantes. Plaisanteries à part, l’investissement dans l’IoT lié aux cleantechs a dépassé les 700 millions de dollars l’année dernière selon i3. C’est plus que l’investissement dans les technologies de stockage d’énergie, par exemple. Je crois à l’émergence de ces technologies de pointes dans un futur proche.
On parle souvent des soutiens gouvernementaux comme d’un must-have. Que faudrait-il faire de plus à l’avenir ?
Le rôle du gouvernement dans l’innovation est un sujet délicat. Les polémiques autour d’entreprises comme Uber montrent la force de « destruction créatrice » de l’innovation.
Le gouvernement a un rôle double de soutien de l’innovation, notamment par l’investissement public et la flexibilité régulatrice, mais aussi d’accompagnement des changements sociaux et économiques engendrés. Ceci dit, de nombreuses propositions ont été avancées dans l’industrie pour rendre la France et l’Europe plus compétitives dans la transition énergétique.
Dans un rapport publié en partenariat avec le Cleantech Group a l’occasion de la COP21, trois grands investisseurs européens (IDInvest, Demeter Partners et ETF) proposent une série de mesures, telles qu’un label pour les fonds actifs dans la transition énergétique, des avantages fiscaux pour les investisseurs et les entreprises innovantes ou encore un encouragement de la demande par les contrats publics.
Albin Jourda, que nous avons rencontré il y a peu, mentionnait une tendance « punitive » de l’écologie actuelle, notamment telle qu’elle est véhiculée par les médias. Pensez-vous qu’il s’agisse d’une réalité ? Comment l’éviter ?
Le phénomène que décrit Albin est encore plus saillant aux Etats-Unis, ou certaines start-up de cleantech ont été victimes de cabbales médiatiques.
Il me semble que ces réactions sont les restes d’une ère ou l’écologie était surtout politique, ancrée dans une logique de conservation, plutôt que d’innovation. Cependant, je remarque que de plus en plus de contenus éditoriaux célèbrent cet esprit d’innovation, comme l’illustre le cas d’Elon Musk que mentionne Albin.
Il reste néanmoins à la presse à présenter ces innovations comme un phénomène de transformation de la société et des comportements des utilisateurs, au lieu de faits de génie isolés.
Merci beaucoup à Jules Besnainou d’avoir accepté de répondre à nos questions. Vous pouvez le trouver sur Twitter @julobes. Pour le Cleantech Group, ce sera @cleantechgroup.
Vous pouvez aussi retrouver toutes nos interviews sur notre page dédiée !